Colmars les Alpes

Ancienne ville frontière entre la France et la Savoie, Colmars-les-Alpes est une cité marquée par son architecture militaire classique.

Lorsqu'en 1388, la Vallée de l'Ubaye et Val d'Allos 1400 (Allos) se donnent à la Savoie, Colmars-les-Alpes se retrouve de fait aux marches de la Provence. Cette situation durera jusqu'en 1713. Corsetée dans des murailles puissantes, la cité apparaît telle une vigie en bordure du Verdon. S'il ne reste que quelques pans de murs des remparts du XIVe siècle, les ouvrages entrepris sous la direction de Vauban à la fin du XVIIe siècle sont intacts. Deux redoutes surveillent les ponts : le Fort de France à l'ouest et le Fort de Savoie à l'est, au plan plus sophistiqué. Colmars-les-Alpes possède également une belle architecture civile de montagne : maisons hautes aux toits de bardeaux, rues médiévales pavées ... Ses trois édifices religieux conservent un intéressant mobilier du XVIIe siècle, en particulier une toile du rosaire à l'Eglise Saint-Martin et un retable baroque à la Chapelle Saint-Joseph. Au Moyen Age, Colmars-les-Alpes était un important lieu de production de draps de laine vendus sur toutes les foires de Provence. A partir du village, de nombreuses randonnées sont possibles dans des sites d'exception : balade de la Cascade de la Lance (1 heure aller/retour) ou du Col des Champs (12 km dans une forêt de mélèzes).

La ville de Colmars organise tous les ans des fêtes médiévales (2ème weekend d'août)
Au programme, tournois équestres de chevaliers, duels à l'épée dans les rues, habitants en costumes, maisons et monuments parés d'oriflames, musiciens médiévaux.
Photos des fêtes médiévales : Cliquer sur ce lien =>

Quelques photos de la ville, des remparts et des forts


Vue prise du fort de Savoie

Les remparts et le clocher



Fort de Savoie, Porte principale

 

 
La porte et le fort de Savoie



Lien vers un site en Anglais => http://www.provencebeyond.com/villages/colmars.html

Histoire de Colmars

Extrait du journal " L’Echo des Remparts " - N°3 Juillet 1999

Article rédigé par Christine RATHGEBER 

Les Origines

Le village de Colmars-les-Alpes est une fondation ancienne née probablement de l’implantation des Gallites au Xième siècle avant J.C.

La dominante romaine fut établie dans la Vallée du Verdon de l’an 13 av J.C. jusqu’en 480.

D’après quelques historiens locaux, Adrien Roux ou encore l’abbé Pelissier, curé d’Allos, les Gallites, peuplade Gaulois-Ombriens, auraient été pacifiés au 1er siècle par des armées romaines. Celles-ci auraient construit sur le site, occupé aujourd’hui par le Fort de Savoie, un temple dédié à Mars, Dieu de la guerre.

Il est actuellement difficile de rassembler une documentation précise sur les étapes de fondation du lieu.

  Période Post-Romaine

Cependant une autre construction sur le même site permet de démontrer que l’implantation du premier noyau villageois se situait sur le promontoire Saint Martin, au quartier Sainte Anne. Effectivement, en 720/730, les premières populations christianisées du lieu y construisirent une collégiale dédicacée à Saint Martin. C’était un bâtiment à nef unique de trois travées précédant le choeur qui se terminait par un chevet à trois pans éclairé par une fenêtre ; une chapelle devait se trouver à gauche du choeur. De puissants contreforts consolidaient les murs de l’abside et de la nef. La porte d’entrée et une autre plus petite faisaient communiquer l’église et le cimetière avoisinant (celui-ci a dû servir jusqu’au XVIIème siècle puisque des soldats de la garnison y furent enterrés).

Ce bâtiment fut détruit en 1583 sur les ordres du prieur, Henri de Valois. La collégiale, à défaut de servir de forteresse comme le craignait ce haut dignitaire, fut transformée en carrière de pierres.

  Des Traces Encore Visibles

Il subsiste encore aujourd’hui, dans le paysage de notre petite cité, des vestiges inaltérables de ce " glorieux passé ". Tout d’abord des colonnes, l’une provenant de la collégiale, les deux autres qui proviendraient du temple (ce qui est moins évident à certifier). Cet ensemble se trouve dans la première enceinte de l’actuel Fort de Savoie. puis deux pierres placées dans les piédroits de part et d’autre de la petite porte de l’église paroissiale font référence par deux inscriptions en latin, de la réparation de la collégiale en 1530, par un ouvrier d’Anvers, Mathieu le Teuton.

L’ensemble de cette documentation archéologique permet d’expliquer l’étymologie du nom de la ville. Colmars viendrait de Collis martis, " colline de Mars ", en référence à la construction romaine. Il apparaît au regard de certaines sources écrites, la Charte de donation de 1056 par exemple, que le village fut bien dénommé de cette manière jusqu’au XIème siècle. Cependant, une évolution apparaît dès le XIIème siècle. La Charte de Consulat (1233) ainsi que le Statut Forestier (1297) mentionnent le leiu sous le terme " Collomartium ". Cette nouvelle référence se rapproche plus de la dédicace de la collègiale St Martin que de Mars. Cependant, notons que le thème principal, qui est la guerre, demeure et sera le fil conducteur de l’histoire de Colmars jusqu’au XIXème siècle.

L’évolution du nom suit un mouvement plus vaste qui est celui de la christianisation des noms de lieux. Idée qui fut l’un des supports de la politique religieuse des dynasties carolingienne et capétienne.

La christianisation de la Vallée du Verdon a été faite par Saint Vincent (de Lérins V) et Saint Domnin dont nous retrouvons de multiples références à Digne-les-Bains.

Une Période sans Histoire

Un manque évident de documentation ne permet pas actuellement de donner des indications sur le village entre 1056 et 1233.

Le Moyen-Age

A partir de la Charte de Consulat notre connaissance devient plus claire. En 1233, Raymond Béranger V, comte depuis 1209, donne aux localités d’Allos, Beauvezer et Colmars, une Charte de Consulat. Cette distinction résulte d’une politique générale menée en Provence par le comte. Celui-ci essaie de briser l’indépendance de certaines villes afin de lutter contre l’autorité des seigneurs locaux. L’institution mise en place lui permet d’affaiblir une noblesse peu sûre à ses yeux. Le Consulat est alors considéré par certains comme un moyen politique de lutte contre ceux qui refusent l’autorité centrale, alors que d’autres y voient surtout un ensemble aux intérêts économiques communs, dont le principal souci est la sauvegarde des étendues forestières et pastorales (cf ouvrage de Th. Sclafert-1960).

Le village de Colmars vivra sous le régime du Consulat jusqu’à la Révolution française.

La composition en est la suivante, cinq membres élus : un choisi parmi la noblesse, trois parmi les prud’hommes et le dernier, le bayle choisi par le comte. Il fait office de représentant de l’autorité.

Le comte attribue à ce conseil une juridiction se traduisant par l’obtention de pouvoirs définis de manière générale sous le terme " basse justice ". Il se réserve par ailleurs les crimes entraînant l’effusion de sang, la peine de mort, la confiscation des biens et le bannissement, c’est à dire le merum imperium ou mère empire. Ce statut sera successivement réaffirmé en 1385 par la charte du 12 Août accordée par Charles de Duras puis en 1390 par les lettres patentes de la régente Marie de Blois, ainsi qu’à plusieurs reprises à l’époque moderne.

Deux événements vont marquer le XIVème siècle finissant qui détermineront le sort des populations à travers le choix des alliances politiques. Le premier est l’assassinat de Jeanne, reine de Naples et comtesse de Provence, en 1382, le second la séparation de la Vallée en deux avec l’alliance contractée par Allos auprès de Charles Duras, en 1385. De fait, Colmars se retrouve en situation de frontière, il est donc impératif de commencer la construction de protections. C’est ainsi que les premiers remparts virent le jour.

Le site choisi pour ces installations sera celui du second quartier du village. En effet, le village médiéval de Colmars se situait à l’origine à proximité de la collégiale Saint Martin. Le statut forestier de 1297 donne une liste de signataires, liste qui mentionne un zonage des habitations. Deux hypothèses s’offrent à nous : soit le premier noyau villageois était trop limité en surface, soit de nouvelles activités apparues au cours des XIII/XIVèmes siècles nécessitaient la proximité de l’eau (pour le tissage par exemple) entraînant une délocalisation de l’habitat.

Par ailleurs, en 1390, Colmars doit faire face à une attaque de Raymond de Turenne, aventurier de haut parrainage, révolté contre la Régente.

La construction de remparts est donc justifiée. La nouvelle vie du village s’organise autour de deux pôles majeurs, celui de l’activité militaire avec la charge de surveiller la frontière et celui de l’artisanat axé principalement sur la draperie.

Une Ere de Prospérité

La transhumance estivale remplaçant un mouvement plus modeste de transhumance inverse donne naissance à partir de 1470 à l’activité drapière (Adrien Roux). Développée par unité familiale de production, la draperie draine autour d’elle non seulement des activités annexes (filage-foulon-foires) mais encore de nombreux manouvriers. Le village rentre à ce moment dans une ère de prospérité autant matérielle que démographique.

A ce propos, Edouard Baratier, dans la démographie provençale, parle d’environ 300 feux pour 1344, de 170 pour 1471. La cité comptera jusqu’à 3 000 habitants à la veille de 1670.

Sous le Règne de François 1er

Revenons pour un court instant au XVIème siècle. La menace que fait peser Charles Quint sur la Provence engage François 1er à remplacer les défenses de Colmars. L’enceinte rendue plus efficace est encore debout. La muraille flanquée de petites tours carrées est rénovée. Deux portes en défendent les accès avec des passages voûtés entre deux tours reliées par des machicoulis. Ces deux tours sont protégées chacune par une barbacane en forme de bastion, ajoutée à ce moment-là, dont le double mur percé d’embrasures permet le tir aussi bien interne qu’externe.

Le Roi François 1er distingue Colmars en 1538. Un privilège écrit confirme l’ensemble des droits acquis jusqu’à présent par les habitants. De plus, pour remercier la population de son soutien à l’armée durant le conflit il donne au bourg le titre honorifique de " ville ".

La barbacane sud, dite " Porte de France " comporte encore les traces de ces péripéties militaires. Elle est ornée d’une plaque de pierre moulurée sur laquelle on peut distinguer un écusson aux reliefs effacés, mais sur lequel on lit : " 1527 ANNO DN Jesu XRI Te(m)pore fra(n)cisi francorum Regis Nostri " ce qui signifie : " 1527 an de notre Seigneur Jésus Christ au temps de François notre roi ".

A la fin du XVIème siècle Colmars sera à nouveau incendié et cela par deux fois : en 1583, par Cartier, lieutenant d’Henri de Valois qui s’attaque à la ville puis par le sieur de Mirabeau qui essaie à son tour de prendre les murailles, en 1590. Mis en échec tous les deux ils décident de brûler les maisons situées à l’abri des remparts. Ces deux faits militaires sont la conséquence de la décision prise par les habitants de sonner asile aux protestants provençaux. Ce choix est compris comme une dissidence par les autorités royales. Il reste peu de traces matérielles du passages des réfugiés protestants et pourtant ceux-ci ont probablement, par la propagation de leurs nouvelles conceptions religieuses, préparé le terrain aux idées de l’évêque janséniste, Monseigneur Soanen, qui aura en charge l’évêché de Senez, entre 1720 et 1727, dont Colmars dépendait.

Une Terrible Catastrophe L’Incendie du 8 Août 1672 

Le XVIIème siècle sera pour Colmars un siècle de bouleversements et de reconstructions en tous genres. Après avoir connu une prospérité sans précédent, la ville va être confrontée à un nouvel incendie, involontaire cette fois mais tellement plus dévastateur que les précédents.

Le village touché dans ses murs mêmes aura énormément de mal à retrouver le niveau économique auquel il était parvenu avant la catastrophe.

Laissons maintenant à Monseigneur Villeserin alors évêque de Digne et témoin des événements le soin de nous conter cette terrible nuit du 8 Août 1672. Le témoignage qui suit est extrait d’un texte de M.Z Isnard " Récit de l’incendie de Colmars en l’Evêché de Senez le 8 Août 1672 ". Archives Départementales de Digne - C110. L’auteur donne les précisions suivantes . Nous reproduisons ce document précieux tout entier et aussi fidèlement que possible, avec son orthographe, nous bornant a y introduire la ponctuation et l’apostrophe pour en faciliter la lecture ".

     Colmars est la dernière ville du royaume du costé de la Savoye et n’en est esloignée que d’une demie heure de chemin. Elle estoit pressée dans ses murs à cause des rochers qui la commandent de tous costés, et, quoy qu’elle ne fut pas fort grande en son enceinte, elle etoit néanmoins la plus riche de la province si vous en exceptez Aix, Arles et Marseille. Elle etoit chef de viguerie et plus peuplée qu’aucune ville de mon diocèse à cause des manufactures de draps qu’on y travaillait nommés Cordeillas, qui sont usage à tout le menu peuple de la Savoye, de Dauphiné, du Piedmont, de Gênes et de l’Italie.

     Cela y attiroit des ouvriers de toutes parts, qui avoyent tellement rempli la ville, qu’elle etoit habitée jusques sous les couverts des maisons, qui, par l’indigence des tuilles, n’estoyent couverts que des bandeaux faits d’ais de sapin et de serante. On y comptoit bien 100 maisons, qui faisoyent 100 familles sur les rolles des tailles et plus de 3.000 communiant. Et parce que le terroir ne suffisoit pas pour nourrir tant de peuples, ils ramassoyent tous les bleds de la montagne qui sans cela n’auroit pu le débiter.

     Ils usoyent de mesme à l’égard des laynes qu’ils alloyent chercher dans toute la province, jusques aux portes de Marseille, pour occuper leurs femmes et leurs petits enfants ; et le commerce etoit si considérable qu’on peut vérifier, par le seul bureau des forains établi dans le lieu, que, le Roi en tirait plus de 9.000 livres, sans compter la taille qui montait bien à ceste somme ou environ.

     Mais enfin, le lundi 8ème du mois d’aoust (1672), sur les 9 à 10 heures du soir, quelques particuliers se retirant en leur maison aperçurent un grand feu du costé de la grande église. Ils coururent aux cloches pour sonner à l’effroy et demander du secours ; mais le vent se leva si mal à propos qu’en dépit de toutes les adcistances que les habitants des hameaux voisins leur voulurent donner, le feu passant de rue en rue (qui etoyent fort serrées), il ne fit en moins de 3 ou 4 heures qu’un brasier de toute ceste ville infortunée.

     Le premier soin de ces malheureux feut de sauver leur vie. La plus part etoyent déjà endormis que le grand bruit mit bien tôt sur pied. On voyait des mères emporter leurs enfants à demi rostis, qui faisoyent des cris effroyables, pendant que leurs maris essayoent de sauver ce qu’ils avoyent de plus précieux en d’autre lieux. On fut obligé de descendre des malades et vieilles femmes par les fenestres avec des cordes. Plusieurs y perdirent la vie et on y compte près de vingt personnes qui sont demeurées dans les flammes pour avoir voulu s’y opiniatrer, sans les blessés qui sont au nombre de plus de 150.

     Et comme il n’y avoit rien de plus précieux que le Saint Sacrement, les prestres du lieu, qui méritent en cela une louange particulière pour leur zèle et de l’observance de leur devoir, dans une consternation générale accoururent en l’église qui étoit déjà toute en feu et purent à travers les flammes, enlever le ciboire, les vases sacrés et une grande partie des ornements qu’ils portèrent dans une petite chapelle, contre les murailles de la ville, dédiée à l’Enfant Jésus, et de peur des suites plus facheuses ils consomment les hosties.

     Le feu étoit si violent qu’une maison n’étoit pas si tôt attaquée qu’elle étoit réduite en cendres, parce que toutes leurs provisions de bois et d’huyle etoyent faites pour huit moys qu’ils ne sortent à cause des neiges et de l’hyver, qui commence de bonne heure en ce pays-la et qui ne finit qu’au moy de mai. Toutes les maisons, les greniers et les caves etoyent pleines de laynes et de draps dont ils avoyent préparé une grande quantité pour deux foires qui etoyent fort prochaines.

     Enfin, quelques résistance qu’on y peut apporter, il n’est rien resté de cette ville malheureuse qu’une petite maison située sur les murailles.

     J’appris cette nouvelle peu de temps après par un ecclésiastique que j’avois envoyé quérir pour me rendre compte de ses actions, et qui m’en dit tant de particularités que je n’en pouvais plus douter. Je crus bien que ma présence ne seroit pas inutile à leur consolation, ce qui m’obligea de partir le lendemain à quatre heures du matin pour y arriver le jour mesme, parce qu’il y a pour douze grandes heures de chemin, et toujours à travers des précipices effroyables. Je ne pris pour cela que ceux de mes gens qui m’estoyent absolument nécessaires, mais je n’eus pas fait une lieue que je rencontrais le curé de Villars, qui est un hameau où la plupart de ces malheureux sont réfugiés, qui venoit me prier de leur part de me transporter sur les lieux pour leur donner quelques consolations.

     Je passai à Lambruisse, où, après avoir légèrement disné, je repris mon chemin sur lequel je rencontrai les député de la ville d’Alos qui croyoyent m’en apporter la première nouvelle. Ceux de Thorame-la-Haute m’attendoyent sur le passage ; et enfin, il se joignit tant de monde auprès de moy, que je me trouvai accompagné de plus de quatre-vingts hommes à cheval.

     Le premier objet de compassion qui se présenta à mes yeux feurent les prestes de Colmars tous désolés avec ceux de leurs paroissiens qui se trouvèrent encore en estat de me venir apprendre leurs disgraces. Nous allâmes tous ensemble sur les lieux ; mais ce qui redoubla ma pitié et m’arracha des larmes feurent entremelées des cris des petits enfants, qui tous ensemble et prosternés contre terre demandaient ma bénédiction.

     Rien ne me parut plus semblable au sac d’une ville donnée au pillage et abandonnée à la licence de soldats. On y voyoit tout à l’entour des murailles, que des tentes et des cabanes, des meubles rompus et bruslés, des animaux égorgés et demi rostis, et en tous lieux que les images de la mort.

     Je ne voulus pas tenir à ce que j’en pus connoistre par le dehors ; mais, ayant mis pied à terre, j’entrai dans la ville par les bresches qu’on avoit faites aux murailles, parce que les portes estoyent tellement bouchées du butin que l’accès en estoit impossible. Je passay dans toutes les ruynes encore fumantes pour en faire sortir des désespérés qui ne vouloyent pas survivre à la perte de leurs biens ou de leurs patents, et enfin j’arrivay à une chapelle de pénitents où tout avoit esté bruslé, à la réserve du maistre autel, que le feu n’avoit pas du tout endommagé, et, où il restoit un retable qui me parut fort propre et for riche.

     Je me fis conduire en suite à la grande église où il n’estoit absolument rien demeuré que quelques restes de murailles toutes calcinées ; tous les autels, les tabernacles, les tableaux estoient bruslés et démolis par le feu avoit esté si violent que les fonts-baptismaux, qui étoyent faits d’une pierre fort dure et fort épaisse, étoyent réduits en cendres. Tout le reste de la ville me parut également maltraité, aussi bien que deux autres chapelles qui étoyent sous le titre de Notre Dame de Grace et de Saint Joseph, dont il n’est demeuré aucun vestige. J’en sortis enfin après avoir tout visité pour éviter le danger évident qu’il y avoit d’y demeurer plus longtemps, car on entendoit les pierres s’éclater et se fendre de toutes parts à cause de le pluye qui étoit assez violente. En effet, à peyne fus-je sorti hors des murailles qu’il tomba cinq ou six ruines dans les lieux mesmes où je venois de passer. Et tout ce que je pus apporter de remède, dans le malheureux état où je trouvai ces choses, fut d’ordonner que l’on fit garde pour empêcher que les voleurs nocturnes d’aller la nuit chercher l’argent de ces malheureux, qui étoit enseveli dans les ruines.

     La nuit qui approchoit m’obligea de monter à cheval pour aller à Villars chercher un giste ; mais je trouvai tant de monde et sur les chemins et dans les rues que je crus me devoir servir de cette occasion pour leur parler, pour les obliger de recourir à Dieu et chercher en lui les consolations qu’ils ne pouvoyent trouver sur la terre. Je montai pour cela dans la chaire de leur église après avoir fait chanter le Veni Creator et donné la bénédiction ; et par un discours que Dieu mit dans la bouche, qui ne dura guère moins d’une heure, j’essayai de leur faire comprendre que cet accident étoit un effet de la bonté de Dieu et qu’ils pourroyent trouver dans ces trois moyens des sujets de consolation pour eux.

     Et parce que je ne voulus pas mêler les interestz du ciel à ceux de la terre, je leur dis, hors de la chaire, que je m’interessois à leur perte autant qu’un père commun pouvoit et devoit le faire, et que je farois tous mes efforts pour porter la bonté du Roi à prendre pitié de leur misère. La nuit me trouva encore dans cet employ, et, m’estant retiré dans mon logis, je passai ce qu’il en restoit avec beaucoup d’inquiétudes.

     J’estois en estat de partir à la pointe du jour le lendemain, lorsque je fus visité de tous les principaux habitants qui vinrent me remercier de la peyne qu’ils m’avoyent donné et de la part que je prenois à leur affliction et me témoignèrent que ma présence avoit rasseuré la meilleure partie de ces malheureux, qui commençoyent à méditer leur retraite et écouter les propositions des députés de la ville d’Alos qui venoyent de la part du Duc de Savoye leur promettre toutes sortes d’indemminités et de franchises. Je les exhortai à contribuer de leur part à les retenir, comme je faisois de la mienne en permettant que l’on fit des questes pour eux dans tout mon diocèse, et que je convierois tous mes confrères de permettre qu’on en peut faire autant dans les leurs.

     Voilà le récit que j’ai cru devoir faire, en attendant que j’en envoye les procès verbaux en forme.    

 

Le XVIIème siècle

" Ville défendue par Vauban, ville imprenable, ville investie par Vauban, ville prise ". dit on aux temps de Louis XIV. Vauban est tout naturellement connu pour son oeuvre militaire, un ensemble de forteresses sur la totalité des frontières françaises.

Vauban est surtout le maître d’oeuvre de Colmars, faisant parti depuis

toujours de notre patrimoine architectural et historique. Allons donc à la rencontre de ce personnage, passionnant.

La Vie de Vauban

Vauban voit le jour le 4 Mai 1633 à Saint Léger de Foucheret, dans le Morvan. Sa famille est de petite noblesse, son père Urbain est écuyer.

En 1651, alors que la fronde fait rage en France, soulevant le parlement et les princes contre l’autorité royale, Vauban s’engage comme cadet dans le régiment de Condé.

Il est ensuite employé aux fortifications de Clermont en Lorraine et rentre dans la cavalerie.

A la suite de ces événements, la vie de Vauban est scandée de sièges :

Stenay, Arras, Landrecies, Valenciennes, Gravelines, Ypres. Entre temps il reçoit son brevet d’ingénieur ordinaire du roi (1655).

En 1660, Vauban épouse Jeanne d’Ornay, fille du baron d’Epiry, il aura d’elle plusieurs enfants.

Gouverneur de la citadelle de Lille en 1668. Il reçoit ensuite un don du roi de 80000 livres en remerciement des services rendus. Il rachète en 1675 le château familial de Bazoche. Vauban est ensuite successivement gouverneur de Douai, puis de Lille, commandant de Brest, ainsi que de Basse-Bretagne.

Cependant au-delà de toutes ces attributions le personnage se distingue avant tout par son génie militaire. Pour lui la guerre est inévitable : " La guerre a pour père l’intérêt, pour mère l’ambition et pour proches parents toutes les passions qui nous conduisent au mal ".

Il faut donc une armée pour défendre le pays. Il réorganise celle qui est mise à sa disposition. L’ensemble des réformes ne peuvent être exposées ici, cependant contre toutes attentes, Vauban améliore la conscription, le recrutement des officiers, sans oublier le sort du soldat de base.

Devenu ingénieur, il n’oublie pas le métier de fantassin pour autant : il essaye de faciliter sa tâche et d’améliorer ses moyens notamment en modifiant l’armement, mousquets et piques sont remplacés par des fusils à baillonnettes à douille. Il conçoit également des plans types de casernes. Il demande à Louvois l’établissement de repos dominical. Pour limiter les délais d’instruction et d’incompétence des volontaires chargés de faire les brèches lors des sièges, Vauban demande au Roi de créer des compagnies de sapeurs et de mineurs permanents. Le corps prend le nom de " génie " sous Louis XV.

Maréchal de France en 1703, Vauban doit son avancement à son seul mérite. Modeste, honnête, homme de devoir il sut joindre le désintéressement le plus complet, la loyauté, la franchise à la modestie la plus grande. Son dévouement à la patrie et au Roi est entier.

Les ouvrages de Vauban sont présents sur l’ensemble des frontières françaises, certains perdurent encore tel Colmars que nous détaillerons plus loin.

Cependant, l’ingénieur à toujours refusé d’écrire ses principes. De modestes mentions apparaissent dans les sources, en voici quelques unes : " toutes les parties d’une fortification doivent être défendues, c’est pourquoi si quelques parties étaient fortifiées par nature, il faudrait fortifier les autres par art ". " Les parties qui flanquent ne doivent être vues que de celles qu’elles doivent flanquer. Les parties exposées aux batteries des ennemies et principalement celles qui flanquent doivent être à l’épreuve des machines dont on se sert pour les détruire ".

Colmars-les-Alpes, un Exemple de Vauban Architecte

Le contexte d’intervention des architectes à Colmars durant le XVIIème siècle, doit être une fois de plus apposé à la situation politique du royaume de France. En effet, l’entrée du Duc de Savoie dans la ligue d’Augsbourg modifie les alliances. D’allié le Duc devient ennemi. La menace d’incursion savoyarde en Provence apparaît alors quasi inévitable.

Durant l’automne 1690 le Marquis de Parelle franchit le Col d’Allos, arrive avec quelques petites pièces de canon devant Colmars en vue d’y mettre le siège. Les soldats aidés des habitants repoussent l’ennemi, alors que les autorités militaires se rendent compte da la nécessité de rénover le dispositif militaire de la ville.

Dans un rapport du 15 Octobre 1690, Niquet Directeur des fortifications de Provence demandait que soit édifié à Colmars, un réduit avec galerie crénelée devant les deux portes de la ville. Il était aussi important de transformer les tours d’enceinte médiévales, en tours pentagonales bastionnées couvertes de charpente. Il sillicitait en outre de nouvelles tours ainsi qu’un magasin à poudre.

Constatant que les deux bosses situées devant les deux extrémités de la ville dominent et maquent les deux points par où l’ennemi pouvait éventuellement déboucher, il proposa de les coiffer de deux redoutes.

En 1693, Vauban achève sa tournée d’inspection dans les Alpes. Il se rend successivement à Sisteron, Nice, Digne, Castellane via Grasse. Il renonce à visiter Colmars et Entrevaux en raison d’un rhume tenace et l’état déplorable des chemins.

C’est donc de Nice qu’il étudie le projet de fortifications de Colmars daté du 31 Janvier 1693. Comme à l’accoutumé, l’ingénieur décrit les lieux : " le pays de Colmars est bosselé, rude et stérile. Sur les montagnes il y a quelques bois : méleise, espèces de sapins, et de pâturages assez abondants dans les pentes plus praticables il y a quelques blés. La ville est fermée d’une veille et faible enceinte adossée aux maisons. Depuis peu des travaux ont été fait notamment pour boucher les nombreux " trous ", et convertir les jours en crénaux ".

Selon Vauban les travaux sont d’importance, d’autant que la place est de première ligne.

Les Travaux

Le projet de Vauban est estimé à environ 212021 livres 10 sols, pour les travaux les plus urgents. Le devis de Caux s’élève quant à lui à 435786 livres quelques années après. Qu’en est-il réellement ?

Entre 1691 et 1693 quatre tours pentagonales sont construites : la tour du clocher, celle du Verdon, ainsi que la tour Dauphine et Garcin. Les murs de ces tours sont de faible épaisseur (80 cm). Elle sont donc peu résistantes aux tirs de canons. Elles sont recouvertes d’une toiture en mélèze et renferme un plancher également en bois, séparant deux étages. Le premier communiquant avec le chemin de ronde.

A la suite des modifications du rempart les architectes envoyés par Vauban, Creuzet de Richerand, Beauvoisin et Niquet commencent la construction de deux redoutes.

Le Fort de France (ou du calvaire) à, au sud de la ville permet une surveillance des entrées dans Colmars.

Le Fort Saint Martin (ou de Savoie), au nord s’expose en première ligne face à la frontière, défendant ainsi contre les attaques ennemies.

Les deux forts servent essentiellement de dissuasion. Ils verrouillent le site en s’incluant d’une manière particulière dans le paysage. Souci esthétique ou camouflage ? Chacun appréciera en se rendant sur les lieux. Deux passages protégés permettent aux soldats de circuler entre deux forts et les remparts tout en se préservant des attaques ennemies.

Le village qui ne se compose alors que de 500 âmes entretient une garnison d’environ 150 hommes. Les villageois nourrissent, habillent et logent ces hommes qui en échange assurent leur protection. Les estimations démographiques de Vauban surprennent. Effectivement en 1672 la population est encore nombreuse, 2000 personnes d’après le récit de l’évêque de Digne.

Vauban explique qu’un régiment stationné en 1692 dans la ville y apporta la dysenterie et des fièvres malignes. Ces épidémies tuèrent un tiers des habitants. La charge d’entretien devient de plus en plus lourde que la population diminue, les plaintes fusent donc jusqu’à l’obtention d’une caserne devant assurer le logement des troupes.

Le Séjour de Vauban à Colmars (Octobre 1700)

Polémiques misent à part, Vauban a bien séjourné à Colmars en Octobre 1700, non pour construire il est vrai mais pour vérifier les travaux effectués.

Les archives de génie n’ont pas conservées le mémoire du 10 Octobre. Vauban mécontent des réalisations, notamment en ce qui concerne le Fort de Savoie y expose ses critiques. Les plans de chacun des bâtiments comportent des modifications envisagées par l’architecte. L’état des finances, le rôle secondaire des Alpes à partir de la guerre de succession d’Espagne expliquent certainement que l’ensemble des projets de restauration ne purent être réalisés. La seule opération d’envergure au court du XVIIIème siècle sera la rectification du cours du Verdon grâce à une digue afin d’éloigner le torrent des murailles de la ville.

Quant à Vauban, il fut inhumé le 16 avril 1707 dans l’église du château familial. Sa sépulture fut profanée durant la Révolution. Napoléon Ier prit la décision en 1804 de transférer le coeur du maréchal aux invalides le 26 Mai 1808.

Depuis les reconnaissances, les hommages se succèdent, démontrant le génie de cet homme de guerre mais aussi de lettres et de religion. Vauban fut aimé des humbles, honoré par les plus grands, jusqu’aux hautes sphères du soleil triomphant, dont les rayons le brûlèrent parfois.

Que dire de plus du maréchal dont l’oeuvre est aujourd’hui considérée comme faisant partie du patrimoine national, que ce qu’il dirait lui-même : "  La gloire ne vole pas comme un papillon, elle s’acquiert que par des actions réelles et solides. "

Bibliographie :

Livres :

  Notes :

  Sources :